Dans son pavé programmatique de 1012 pages, Bruno Le Maire, candidat à la primaire de LR, confirme ce qu’il avait annoncé en proposant la privatisation de Pôle emploi (voir Pôle emploi : régionaliser, contourner, privatiser. Qui pense aujourd’hui que c’était une bonne idée de le créer ?)
Il propose que dans les ordonnances qui seront prises durant l’été 2017 figure une ORDONNANCE N °5 SUR L’EMPLOI dont le premier point est
● Privatiser Pôle Emploi (voir fiche EM2) :
Recentrer l’activité de Pôle Emploi sur le versement des allocations
Confier le suivi, la formation et le placement des demandeurs d’emploi à des délégataires privés ou des associations sous le contrôle de la puissance publique
Un peu plus loin, dans le Chantier 8 dont l’objectif est de permettre à tous les Français de retrouver un emploi, il est question d’une privatisation partielle “la privatisation partielle de Pôle emploi, adoptée par ordonnance à l’été 2017, devra être mise en œuvre le plus rapidement possible afin que l’accompagnement et le placement des demandeurs d’emploi soient confiés à des délégataires privés ou des associations dont les résultats seront évalués périodiquement “
La Fiche EM 2 détaille la proposition et la fonde sur un diagnostic à charge :
Pôle Emploi n’a pas fait preuve de son efficacité :
● Malgré une hausse des coûts importante, la satisfaction des usagers du service est en baisse (67 % en 2014 vs 73 % en 2009), et Pôle Emploi est de plus en plus ignoré par les chômeurs qui ont de plus en plus recours à des opérateurs privés, notamment sur internet.
● Aujourd’hui, seuls 12,6 % des chômeurs retrouvent un emploi grâce à Pôle Emploi, contre 15 % en 2010 (source : Caisse des Dépôts et Consignation, Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques DARES).
● Pôle Emploi voit sa “part de marché” diminuer : Selon le conseil d’orientation pour l’emploi, celle-ci est passée de plus de 20 % en 2007 à moins de 15 % en 2012 pour l’ensemble des emplois, et de 41 % en 2008 à 37,5 % en 2012 pour les emplois de plus d’un mois. La concurrence de nouveaux acteurs mettant en relation employeurs et demandeurs d’emplois explique cette évolution.
● Alors que le nombre d’offres collectées est en baisse et le nombre de demandeurs en hausse, la part des offres non pourvues est passée de 7% en 2008 à 16% en 2013.
● Entre 59% et 86% (en fonction du niveau d’accompagnement) des chômeurs de longue durée (plus d’un an de chômage) n’ont reçu aucune proposition d’action de la part de Pôle Emploi entre septembre 2013 et février 2014.Ce chiffre n’était que de 30% à 39% pour les chômeurs de moins de 6 mois, et de 56% à 72% pour les chômeurs ayant connu entre 6 et 12 mois d’inactivité.
● Le coût du placement d’un chômeur dans l’emploi durable (CDI ou CDD de plus de 6 mois) serait d’environ 1 800 € pour un Opérateurs Privés de Placement contre environ 2 700 € pour Pôle Emploi.
● Enfin, la fusion de l’ANPE et des Assedic n’a pas permis de dégager les synergies espérées, que ce soit en termes de gestion du patrimoine immobilier ou de ressources humaines.
● Par ailleurs, la peur d’une “rupture d’égalité” entre les demandeurs d’emploi qu’impliquerait une privatisation ne tient pas compte des inégalités existantes : aujourd’hui le nombre de chômeurs suivis par conseiller varie de 1 à 7 selon les agences : 192 chômeurs par conseiller à Douai, 150 à Evreux pour seulement 60 dans le 15ème arrondissement de Paris et 32 à l’île Rousse (moyenne nationale de 116 chômeurs suivis par conseiller ; chiffres 2013, source Le Monde) !
Il faut tirer les conclusions de ces échecs : la logique du monopole a montré ses limites. Il est grand temps d’encourager l’émulation et l’innovation
Bel exemple d’une absence totale de rigueur dans l’alignement de chiffres, pour la plupart assez anciens, correspondant le plus souvent à une période où Bruno Le Maire était aux gouvernement, aux sources fort diverses et d’inventions pures et simples comme le coût du placement d’un chômeur !
Face à cette situation le candidat affirme vouloir limiter le rôle de Pôle emploi à l’indemnisation des chômeurs et privatiser la totalité de l’accompagnement
” il s’agira de confier par appel d’offre de l’ensemble des missions d’accompagnement des chômeurs à des entreprises privés, (dites OPP, organismes privés de placement). Celles-ci seront rémunérées en fonction des résultats obtenus, avec des incitations financières fortes pour les organismes prenant en charge des personnes éloignées de l’emploi “
Notons que dans la mise en œuvre les associations qui figuraient dans le résumé ont déjà disparu au profit de seules entreprises privées.
Dans la partie suivante, intitulée Comment, les choses se compliquent avec cette affirmation par ” Une première étape consistera à régionaliser Pôle Emploi “. On croyait que l’ordonnance N°5 avait privatisé Pôle emploi dès l’été 2017. Régionaliser une structure privée, c’est pour le moins surprenant !
Quant au personnel, une solution simple, voire simpliste est trouvée, on le transfère tout simplement aux OPP lauréats du premier appel d’offres.
” Les conseillers de Pôle Emploi chargés de l’accompagnement des chômeurs et des contacts avec les entreprises seront progressivement transférés aux OPP désignés par les marchés publics.
Ce transfert ne présente pas de difficulté juridique particulière, même pour les 5 000 employés de Pôle Emploi qui sont encore des agents publics. Ceux-ci sont en effet des agents publics non titulaires. En application de l’article L 1224-3-1 du Code du travail, créé par l’article 25 de la loi du 3 août 2009 relative à la mobilité et aux parcours professionnels dans la fonction publique, les marchés publics conclus avec des OPP prévoiront donc le transfert des conseillers Pôle Emploi chargés de l’accompagnement à ses organismes “
A l’évidence le, ou les, rédacteur (s) de cette partie du programme a, ou ont, allègrement mélangé deux logiques, celle de la privatisation mise en avant, parce qu’estimée comme populaire, et celle de la régionalisation considérée comme rationnelle. Cela illustre qu les effets d’annonce et la faisabilité ne font pas toujours bon ménage. A moins que ce ne soit la marque du renouveau !