Pour le secrétaire général de Force ouvrière, Jean-Claude Mailly, le texte dont l’examen, se poursuivait à l’Assemblée, reste inacceptable en l’état. Dans cette interview parue ce lundi matin dans Le Parisien-Aujourd’hui, il réclamait l’organisation d’un référendum. Depuis, on a appris que le gouvernement, qui se réunissait en conseil des ministre exceptionnel ce mardi après-midi, s’apprêtait à passer en force au parlement en recourant à l’article 49.3.
Maintenez-vous la demande du retrait de la loi Travail ?
JEAN-CLAUDE MAILLY. Oui nous réclamons toujours le retrait. Sur ce que j’appelle la philosophie du texte, à savoir l’inversion de la hiérarchie des normes prévue dans l’article 2, le gouvernement n’a pas bougé d’un pouce. Il maintient sa position. C’est notre ligne rouge. Et pas la seule : les points sur le licenciement économique comme sur le référendum qui court-circuite les syndicats sont inacceptables en l’état.
Le rapporteur Christophe Sirugue a proposé sur ce point dur du projet de loi, l’article 2, une porte de sortie : que chaque accord d’entreprise négocié soit, préalablement à sa signature, soumis à la branche professionnelle du secteur… Ça ne vous suffit pas ?
Le rapporteur fait beaucoup d’efforts pour essayer de trouver un compromis acceptable. Mais il doit d’abord recueillir l’accord du gouvernement. Voilà la réalité. Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple et dire que l’accord de branche sert de cadrage et s’il n’y en a pas, on discute dans l’entreprise. Aujourd’hui, une PME qui est en situation de sous-traitance a déjà les pressions de son donneur d’ordre pour faire baisser les prix sachant qu’ils touchent les aides du CICE (crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi). Pas mal d’employeurs sont déjà victimes de ce dumping social déloyal. Ils me l’ont expliqué. Demain, si le verrou de la branche, qui fixe actuellement la règle, n’existe plus sur la rémunération des heures sup, l’employeur aura les mêmes pressions pour baisser la rémunération de ses salariés et il cherchera à négocier un accord d’entreprise pour réduire le montant des heures sup !
«Ce n’est plus la loi qui domine mais un dogme économique qui s’impose à tous»
Le texte est donc inamendable ?
Si le gouvernement maintient la priorité donnée à la négociation au niveau de l’entreprise par rapport à la branche, oui. Même les représentants patronaux des artisans sont contre cette évolution ! Il y a un risque de dumping social accéléré. Ce n’est plus la loi qui domine mais un dogme économique qui s’impose à tous. Demain, le droit du travail, les droits des salariés seront dictés par les besoins de l’entreprise. Ce que permet l’accord de branche, c’est justement d’assurer un minimum de droits entre les salariés, et un minimum de régulation de la concurrence entre les entreprises. La ministre du Travail, comme la CFDT n’osent pas employer le terme d’inversion de la hiérarchie des normes, ils parlent de « décentralisation ». Mais c’est un artifice de langage !
Que proposez-vous alors ?
Pourquoi ne pas demander aux partenaires sociaux de négocier sur ce point ? A tous ceux qui sont pour l’inversion de la hiérarchie des normes côté syndical, comme la CFDT, ou du côté gouvernement, je propose d’ouvrir une discussion avec le patronat. Retirons l’article 2 du projet de loi et discutons sur l’articulation des niveaux de négociation. C’est quand même nous qui négocions ! On verra ce que ça donne.
Et le référendum en entreprise, pourquoi FO est-il contre ?
Cet outil servira à court-circuiter les syndicats et pourra remettre en cause les syndicats majoritaires. Avec cette mesure, le gouvernement a mis le droit d’opposition à la poubelle. Quelle drôle de conception de la démocratie sociale…
«Le 49-3 est un déni de démocratie»
Que voulez-vous dire ?
Je voudrais que ce gouvernement soit cohérent. Il veut imposer la procédure référendaire dans l’entreprise parce qu’il n’y aurait pas de majorité. Mais alors, s’il n’y a pas de majorité sur la loi Travail, au lieu d’utiliser le 49-3, ce qui semble être dans les tuyaux, pourquoi le gouvernement n’arrête-t-il pas les travaux parlementaires pour organiser un référendum auprès des Français ? Il faut être logique. On ne peut pas l’exiger dans un cas et ne pas le faire dans l’autre. Le 49-3 est un déni de démocratie, voilà pourquoi je réclame un référendum.
Vous avez menacé Myriam El Khomri d’un éventuel recours pour non-respect de la procédure de concertation avant la présentation du projet de loi. Où cela en est-il ?
FO a déposé hier un « référé liberté » auprès du tribunal administratif contre le gouvernement pour non-respect de l’article L 1 du Code du travail, car on ne nous a pas envoyés de document d’orientation. C’est une première procédure. Nous n’excluons pas de saisir le Conseil constitutionnel.
Appelez-vous à de nouvelles mobilisations ?
Nous nous voyons ce soir avec les six autres organisations syndicales pour parler du 18 mai et d’autres dates encore. Les routiers ainsi que les agents de la SNCF et d’autres professions vont entrer dans le mouvement. Non, la mobilisation ne s’essouffle pas !
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